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Le Clean Industrial Deal : une feuille de route commune pour la compétitivité et la décarbonisation - 28 février 2025

Par Laurent Trulès, co-gérant du fonds Dorval European Climate Initiative et coordinateur de l’investissement responsable.

Ce 26 février, la Commission européenne dévoilait son plan « Clean Industrial Deal », véritable feuille de route pour les 5 prochaines années. Ce plan constitue une réponse appropriée aux enjeux de relance industrielle, de décarbonation, de compétitivité et de tensions géopolitiques (Chine, Etats-Unis) grandissantes.

Placer la décarbonisation et la circularité au cœur de notre politique économique est le seul moyen pour l'Union européenne de ne pas se laisser distancer par ses concurrents riches en ressources. Les émissions nettes de gaz à effet de serre de l'Union européennes sont désormais inférieures de 37 % aux niveaux de 1990, alors que le PIB a augmenté de 68 % au cours de la même période. Ces progrès soulignent que la décarbonisation ouvre de nouvelles perspectives économiques aux Européens. L'Europe a défini un cadre ambitieux pour devenir une économie décarbonée d'ici à 2050. Elle maintiendra le cap, notamment en atteignant l'objectif intermédiaire de 2040, à savoir une réduction nette de 90 % des émissions de gaz à effet de serre. Nous avions évoqué ce sujet il y a quelques semaines dans un article sur la transition énergétique et environnementale, sujet stratégique de compétitivité et de souveraineté en Europe. La mise en œuvre de ce plan « Clean Industrial Deal » peut constituer un changement de paradigme majeur.

Concrètement, l’Europe souhaite déployer un projet économique et de société transformationnel. Le Clean Industrial Deal réunit l'action climatique et la compétitivité au sein d'une stratégie de croissance globale. Il s'agit d'un engagement à accélérer la décarbonisation, la réindustrialisation et l'innovation, en même temps et sur l'ensemble du continent, tout en renforçant la résilience de l'Europe. Elle doit présenter à l'industrie européenne un argumentaire plus solide en faveur d'investissements importants et neutres sur le plan climatique dans les industries à forte consommation d'énergie et les technologies propres.

L’Europe entend aller au-delà des solutions traditionnelles en silo et envisage l'ensemble de la chaîne de valeur. Il existe six moteurs économiques : (1) énergie abordable, (2) marchés porteurs, (3) financement, (4) circularité et accès aux matériaux, (5) marchés mondiaux et partenariats internationaux et (6) compétences. Ces moteurs devraient être complétés par des actions sur les catalyseurs horizontaux nécessaires à une économie compétitive : réduire les formalités administratives, exploiter pleinement l'ampleur du marché unique, y compris par l'intégration progressive des pays candidats, stimuler la numérisation, accélérer le déploiement de l'innovation, promouvoir des emplois de qualité et mieux coordonner les politiques au niveau de l'UE et au niveau national.

Sur le sujet de l’énergie abordable, au cœur des enjeux politiques depuis la guerre en Ukraine et ses conséquences sur les prix de l’énergie en Europe, l’Europe place l’accès à une énergie abordable comme la pierre angulaire pour les entreprises du Clean Industrial Deal, en étant consciente que cela constitue un handicap important à date par rapport à la concurrence internationale. L’Europe estime être en mesure de réaliser des économies globales estimées à 45 milliards d'euros en 2025, avec une augmentation progressive jusqu'à 130 milliards d'euros par an d'ici 2030, et 260 milliards d'euros par an d'ici 2040. Une vraie bouffée d’air pour les ménages et entreprises européennes. Pour y arriver, l’électrification et la constitution d’un marché unique de l’énergie pleinement intégré sont des leviers majeurs. Cela passera par la réduction des inefficacités structurelles dans le système électrique, le renforcement des interconnexions et infrastructures de réseaux entre les pays européens ainsi qu’une flexibilité des systèmes électriques à même de renforcer l’intégration de sources d’énergies décarbonées et moins couteuses dans le mix européen. L’Europe entend également simplifier les règles relatives aux aides d’Etats pour développer le déploiement des énergies renouvelables, procéder à des appels d’offres mutualisés d’achats d’électricités. Les délais administratifs d’autorisation pour le déploiement de projets de réseaux, de stockage d’énergie et d’énergies renouvelables seront réduits, 7 pays ont déjà procédé à cette démarche avec des effets clairs et positifs pour la résilience et l’accessibilité du système européen. L’Europe entend ainsi réussir à augmenter le taux d’électrification de l’ensemble de l’économie de 21,3 % aujourd’hui à 32 % en 2030, de même chaque année ce sont 100 gigawatts de capacités de renouvelables qui seront installés jusqu’en 2030.

Sur le sujet des marchés porteurs, l’enjeu est de stimuler l’offre et la demande de produits propres en sollicitant à la fois les consommateurs et producteurs. L’Europe a bien conscience que les entreprises ne feront les investissements nécessaires que si elles sont sûres qu'il existe un marché pour leurs produits. Le Clean Industrial Deal compte donc mettre en place les conditions nécessaires à l'émergence de cette demande. Pour y arriver, l’envoi d’un signal hors-prix est décisif. L’intégration de critères non tarifaires dans les marchés publics, des incitations aux achats privés, le déploiement d’un label volontaire sur l’intensité en carbone des produits industriels en insistant sur la pertinence d’une évaluation complète du cycle de vie des produits sont des tournants majeurs. Cela doit permettre d’atteindre 40 % de composants clés de produits de technologies propres fabriqués dans le marché européen.

Sur les financements, le Clean Industrial Deal mobilisera plus de 100 milliards d'euros afin d'améliorer les arguments économiques en faveur de la fabrication propre dans l'Union européenne basé sur le Fonds pour l'innovation, les revenus supplémentaires résultant de certaines parties du système d'échange de quotas d'émission ainsi que la révision d'InvestEU[ ] avec un appétit pour le risque renforcé sur les technologies propres.

Sur le sujet de la circularité et de l’accès aux matériaux, l’objectif est de sécuriser l’accès aux matières premières critiques. L’accent est mis sur la circularité avec un renforcement des efforts d’écoconception des produits, de recyclage avec une volonté d’atteindre un taux d’utilisation de matériaux circulaires de 24 % à horizon 2030, à comparer à 11,8 % aujourd’hui. La mise en place d’une TVA verte est également évoquée et pourrait avantager les alternatives locales et bas carbone aux produits importés et fortement carbonés.

Sur le sujet des marchés mondiaux et partenariats internationaux, l’Europe entend maintenir son rôle décisif à l’échelle internationale dans la géopolitique climatique – renforcée par la sortie des Etats-Unis de l’Accord de Paris – et rééquilibrer ainsi le rapport de force avec les partenaires commerciaux du continent (accord de libre-échange, mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, lutte contre les subventions étrangères et le dumping).

Sur le sujet des compétences, l’Europe souhaite mettre en place une Union des compétences, en permettant une portabilité des compétences et une reconnaissance des qualifications dans l’ensemble des pays de l’Union. Cela aura des effets bénéfiques sur les métiers en tension sur lesquels les entreprises manquent de main d’œuvre qualifiés. Les programmes de réinsertion pourront ainsi être adaptés en ce sens. L’Europe a identifié 24 professions en 2024 où au moins 5 Etats membres ont signalé une pénurie.

Enfin, l’Europe travaillera à la déclinaison opérationnelle de cet ensemble de mesures dont le calendrier et la mise en œuvre effective s’étaleront sur les 5 prochaines années. Une déclinaison de ce plan sur les grands secteurs (automobile, acier/métaux, chimie, transport, bioéconomie) est ainsi prévue pour intégrer les spécificités sectorielles à même de garantir la réussite d’une transition réussie de ces secteurs. Si le diable est dans les détails, ce plan constitue à la fois une vraie prise de conscience des enjeux à l’échelle européenne, un message fort envoyé au monde économique mais constitue également un vivier toujours plus nourri d’opportunités économiques pour les entreprises qui se seront positionnées le plus tôt sur une contribution effective à cette ambition européenne d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Ce sont typiquement les entreprises que nous avons à cœur de sélectionner dans le fonds Dorval European Climate Initiative (Article 9 SFDR, doublement labellisé ISR et Greenfin).

Le fonds Dorval European Climate Initiative est exposé aux risques spécifiques suivants : risque lié à la gestion discrétionnaire, risque de perte en capital, risque actions, risque de change, risque de crédit, risque de taux, risque lié à l’usage d’instruments dérivés, risque de durabilité. Le capital investi n'est pas garanti.