Les infortunes de la prospérité américaine - 15 avril 2024
La désinflation de 2023 sans hausse du chômage (« la désinflation immaculée ») a été la principale bonne surprise des 18 derniers mois. Le processus semble cependant marquer le pas dans les trois premiers mois de l’année 2024 aux Etats-Unis. S’il est trop tôt pour en conclure que l’inflation va réaccélérer notablement à partir des niveaux actuels, le scénario de risque d’une économie américaine à haute pression augmente. Il nous semble cependant, que cet accroissement se fait au détriment du scénario de récession plus qu’à celui de l’atterrissage en douceur. A ce stade, l’environnement reste favorable pour les actions. On ne peut pas en dire autant des taux à long termes.
Avec une inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation 0.1 pts au-dessus des attentes du consensus (+0.4% vs +0.3% attendu) le mois de mars est le troisième mois de surprise négative sur l’inflation aux Etats-Unis. A ce stade, le scénario d’un retour chaotique de l’inflation vers sa cible reste plausible. Rappelons que la Réserve fédérale ne cible pas l’inflation mesuré par l’indice des prix à la consommation (CPI) mais le déflateur de la consommation (PCE). Ces deux mesures diffèrent dans leur composition et leur méthodologie avec le PCE généralement moins volatile est légèrement inférieur au CPI (l’indice PCE de mars sera publié le 26 avril en amont de la prochaine réunion du FOMC le 1er mai). Lorsque on observe la variation mensuelle des 45 principales composantes de l’indice des prix à la consommation on constate que la tendance centrale mesurée par la médiane reste autour des 3% après le saut du mois de janvier (graphique 1).
Cependant le contexte est moins favorable à la « désinflation immaculée » car (1) le contre choc d’offre positif est derrière nous (normalisation des chaines d’approvisionnement, retour d’une immigration nette positive, rééquilibrage du marché du travail…), (2) les perspectives de croissance plus positives peuvent encourager les entreprises à augmenter leurs prix et aux salariés leurs exigences (rien ne l’indique pour le moment) et (3) le début de reprise industrielle s’accompagne de pressions sur les matières premières et notamment le prix du pétrole dans un contexte géopolitique tendu (graphique 2).
Dans ces conditions, la Banque centrale américaine peut poursuivre son attente au-delà de l’été. Est-ce que cet attentisme constitue une remise en cause de notre scénario de « put » des banques centrales ? Nous ne le pensons pas. Même si elle se stabilise au-dessus de sa cible, l’inflation en reste suffisamment proche pour qu’en cas de dégradation du marché du travail, la Fed puisse baisser ses taux. Par ailleurs, ce qui est vrai pour la Fed l’est moins pour les autres banques centrales, notamment la Banque centrale européenne. Malgré un statu quo sur ses taux directeurs largement anticipé, l’institution monétaire de la Zone euro a indiqué que si les données de prix poursuivaient leur tendance actuelle il serait approprié de réduire les taux d’intérêt, probablement dès la prochaine réunion du 6 juin.
Si notre scénario central d’un équilibre satisfaisant entre perspective de croissance (conditions cycliques) et risque d’inflation (conditions monétaires) ne change pas, le scénario de risque augmente du côté de l’inflation. Cependant, l’amélioration progressive du climat des affaires perceptible dans les dernières enquêtes de conjonctures nous fait penser que, en l’absence de choc géopolitique, c’est le scénario de récession qui recule en parallèle (graphique 3).
Ce nouveau mélange n’est pas forcément très négatif pour le marché des actions. En revanche, il est désagréable pour les taux longs qui souffrent toujours d’une prime de terme négative c’est-à-dire des taux à long terme inférieures aux taux à courts termes (graphique 4). La qualité de couverture asymétrique des obligations souveraines dans un portefeuille dominé par les actions s’en retrouve dégradée.
Les marchés actions internationaux traversent une phase de prises de bénéfices après le rallye des derniers mois. Si l’augmentation du scénario de risque inflationniste peut justifier une hausse de l’aversion au risque, il semble surtout mauvais pour les taux longs plus que pour les actions. Dans ces conditions, nous maintenons nos principaux thèmes et des taux d’exposition modérés aux actions mais nous vendons dans les fonds internationaux diversifiés le solde de nos positions en futures obligataires (2 ans allemand, 10 ans français, 5 ans et 10 ans US) que nous maintenions en couverture.
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